Commentaire Biblique de Jean Calvin
Genèse 20:11
11. Et Abraham a dit . Il y a deux points contenus dans cette réponse. Car, d'abord, il avoue avoir été poussé par la peur à cacher son mariage. Il nie alors avoir menti dans le but de s'excuser. Or, bien qu'Abraham déclare avec vérité, qu'il n'avait pas caché son mariage avec aucune intention frauduleuse, ni dans le but de nuire à personne; pourtant il méritait d'être blâmé, parce que, par peur, il s'était soumis, en ce qui le concernait, à la prostitution de sa femme. C'est pourquoi on ne peut pas dire grand-chose dans son excuse: puisqu'il aurait dû être plus courageux et plus résolu dans l'accomplissement du devoir d'un mari, en défendant l'honneur de sa femme quel que soit le danger qui le menaçait. C'était d'ailleurs un signe de méfiance, de recourir à une subtilité illégale. En ce qui concerne ses soupçons; quoiqu'il eût partout perçu qu'une monstrueuse licence régnait; il était cependant injuste de former un jugement si défavorable à un peuple qu'il n'avait pas encore connu; car il les suppose tous pour être des homicides. Mais comme je l'ai traité assez longuement sur ces sujets, dans le dixième chapitre (Genèse 10:1); il suffit peut-être maintenant d'y avoir fait allusion, d'ailleurs. En attendant, nous arrivons à la conclusion, qu'Abraham ne lutte pas pour la justice de sa cause devant Dieu; mais montre seulement son sérieux pour apaiser Abimélec. Sa forme particulière d'expression est cependant à remarquer; car partout où la crainte de Dieu ne règne pas, les hommes se précipitent facilement vers toutes sortes de méchanceté; de sorte qu'ils n'épargnent ni le sang humain, ni ne se retiennent de la rapine, de la violence et des contusions. Et c'est sans doute la crainte de Dieu seul, qui nous unit dans les liens de notre commune humanité, qui nous maintient dans les limites de la modération et réprime la cruauté; sinon nous devrions nous dévorer comme des bêtes sauvages. Il arrivera, en effet, parfois, que ceux qui sont dépourvus de la crainte de Dieu, puissent cultiver l'apparence de l'équité. Car Dieu, afin de préserver l'humanité de la destruction, tient en échec, de sa rêne secrète, les convoitises des impies. Cependant, il faut toujours tenir compte du fait que la porte est ouverte à toutes sortes de méchanceté, lorsque la piété et la crainte de Dieu ont disparu. De cela, à l'heure actuelle, une preuve trop claire se manifeste, dans l'horrible déluge de crime, qui couvre presque toute la terre. Car, de quelle autre cause que cela naît une telle variété de tromperies et de fraudes, une telle perfidie et cruauté, que tout sens de la justice s'éteint par le mépris de Dieu? Maintenant, chaque fois que nous avons une lutte difficile avec les corruptions de notre propre âge, réfléchissons au temps d'Abraham, qui, bien qu'empli d'impiété et d'autres crimes, n'a pas détourné le saint homme de l'exercice de ses fonctions.