Commentaire Biblique de Jean Calvin
Genèse 6:22
22. C'est ainsi que Noah . En quelques mots, mais avec une grande sublimité, Moïse loue ici la foi de Noé. L'étonnement peu habile que l'apôtre (Hébreux 11:7) fait de lui «l'héritier de la justice qui est par la foi». Comme si, vraiment, toutes les vertus, et quoi que ce soit d'autre méritait d'être loué chez ce saint homme, n'avaient pas jailli de cette fontaine. Car nous devons considérer les assauts de tentation auxquels sa poitrine était continuellement exposée. Premièrement, la taille prodigieuse de l'arche aurait pu submerger tous ses sens, de manière à l'empêcher de lever le doigt pour commencer l'œuvre. Que le lecteur réfléchisse à la multitude d'arbres à abattre, au grand travail de les transporter et à la difficulté de les assembler. L'affaire a également été longtemps différée; car le saint homme devait être engagé plus de cent ans dans le travail le plus pénible. Nous ne pouvons pas non plus supposer qu'il ait été assez stupide pour ne pas réfléchir à des obstacles de ce genre. D'ailleurs, il ne fallait guère espérer que les hommes de son âge le supporteraient patiemment, pour se promettre une délivrance exclusive, accompagnée d'ignominie envers eux-mêmes. Leur férocité contre nature a déjà été mentionnée; il ne fait donc aucun doute qu'elles provoqueraient chaque jour des hommes modestes et simples d'esprit, même sans cause. Mais ici était une occasion plausible d'insulte; puisque Noé, en abattant des arbres de tous côtés, rendait la terre nue et les privait de divers avantages. C’est un proverbe courant que des hommes pervers et controversés se disputeront sur l’ombre d’un âne.
Que pourrait donc penser Noé, que feraient ces féroces cyclopes à l'ombre de tant d'arbres? qui, pratiqué dans toutes sortes de violence, saisirait avec empressement de toutes parts une occasion d'exercer la cruauté? Mais c'était ce qui avait surtout tendance à enflammer leur rage, que lui, en se construisant un asile pour lui-même, les condamnait pratiquement tous à la destruction. Certes, s'ils n'avaient pas été retenus par la puissante main de Dieu, ils auraient lapidé le saint homme cent fois; il est encore probable que leur véhémence n'a pas été jusqu'à présent réprimée, au point de les empêcher de l'assaillir fréquemment avec des railleries et de la dérision, de lui entasser beaucoup de reproches et de le poursuivre de graves menaces. Je pense même qu'ils n'ont pas empêché leurs mains de déranger son travail. Par conséquent, bien qu'il se soit peut-être adressé avec empressement au travail qui lui était confié; pourtant sa constance aurait pu échouer plus de mille fois, en tant d'années, à moins qu'elle n'eût été fermement enracinée. De plus, le travail lui-même paraissant irréalisable, on peut en outre se demander: D'où les provisions pour l'année devaient-elles être obtenues? D'où vient la nourriture pour tant d'animaux? Il lui est ordonné d'amasser ce qui suffira pour la nourriture pendant dix mois pour toute sa famille pour le bétail et les bêtes sauvages, et même pour les oiseaux. En vérité, il semble absurde qu’après avoir été désengagé de l’agriculture, pour construire l’arche, il devrait lui être ordonné de collecter une réserve de provisions de deux ans; mais il y avait beaucoup plus de difficultés à fournir de la nourriture aux animaux. Il aurait donc pu soupçonner que Dieu se moquait de lui. Son dernier travail a été de rassembler des animaux de toutes sortes. Comme si, en effet, il avait toutes les bêtes de la forêt sous ses ordres, ou pouvait les apprivoiser; afin que, dans sa garde, les loups puissent habiter avec les agneaux, les tigres avec les lièvres, les lions avec les bœufs - comme des moutons dans sa bergerie. Mais la tentation la plus douloureuse de toutes était qu'il lui fut ordonné de descendre, comme dans la tombe, pour préserver sa vie et se priver volontairement d'air et d'esprit vital; car l'odeur de la bouse seule refoulée, pour ainsi dire, dans un endroit serré, aurait pu, à l'expiration de trois jours, étouffer toutes les créatures vivantes de l'arche.
Réfléchissons à ces conflits du saint homme - si sévères, multipliés et prolongés depuis longtemps - afin que nous sachions combien son courage était héroïque, en poursuivant au maximum ce que Dieu lui avait ordonné de faire. Moïse, en effet, dit en un seul mot qu'il l'a fait; mais il faut considérer combien au-delà de toute puissance humaine en était faite: et qu'il eût mieux valu mourir cent morts, que d'entreprendre un travail si laborieux, à moins qu'il n'eût regardé quelque chose de plus élevé que la vie présente. Un exemple remarquable, par conséquent, d'obéissance nous est décrit ici; parce que Noé, s'engageant entièrement envers Dieu, lui rendit l'honneur. Nous savons, dans cette corruption de notre nature, combien les hommes sont prêts à chercher des subterfuges, et combien ingénieux à inventer des prétextes de désobéissance à Dieu. C'est pourquoi, apprenons aussi à briser toutes sortes d'obstacles, et à ne pas céder la place aux mauvaises pensées, qui s'opposent à la parole de Dieu, et avec lesquelles Satan tente d'enchevêtrer nos esprits, afin qu'ils n'obéissent pas au commandement de Dieu. Car Dieu demande spécialement que cet honneur lui soit accordé, que nous lui permettions de juger pour nous. Et c'est la vraie preuve de la foi, que nous, étant satisfaits de l'un de ses commandements, nous nous ceignons au travail, de sorte que nous ne dévions pas dans notre cours, quel que soit l'obstacle que Satan puisse placer sur notre chemin, mais sommes portés sur le ailes de la foi au-dessus du monde. Moïse montre également que Noé a obéi à Dieu, non pas en un seul point, mais en tout. Ce qui doit être observé avec diligence; parce que de là surtout surgit une terrible confusion dans notre vie, que nous ne pouvons pas, sans réserve, nous soumettre à Dieu; mais lorsque nous nous sommes acquittés d'une partie de notre devoir, nous mêlons souvent nos propres sentiments à sa parole. Mais l'obéissance de Noé est célébrée à cause de cela, parce qu'elle était entière, non partielle; de sorte qu'il n'omit aucune de ces choses que Dieu avait commandées.